Je suis arrachée. Genre vraiment. Je titube en fredonnant, seule dans les rues ternes d'Osaka. J'ignore l'heure qu'il est, ma seule obsession est d'aller en boîte. Je me suis déjà fais recaler parce que j'ai voulu faire rentrer un lourdingue et cela s'est retourné contre moi. Tout ça pour qu'il me prenne dans une ruelle dégueulasse et qu'il finisse par terre en train de dormir dans son vomi. Répugnant. J'ai même pas pu tirer mon coup. En attendant, j'envoie des messages désespérés à mon ex qui ne me répond toujours pas. Normal lorsque vous recevez dix sms par jour de votre ex. Après quelques essaies infructueux, je décide d'éteindre mon portable. C'est fini, je ne m'en soucie plus. Je vais noyer ma tristesse dans de l'alcool bas de gamme.

Des néons roses et rouges semblables à mon club préféré attire mon attention. Je m'arrête devant la devanture, d'abord hésitante puis excitée à l'idée d'y pénétrer. Il n'est que deux heures du matin, avec un peu de chance il n'y aura pas trop de monde. Que dis-je, c'est plein à craquer. L'odeur de sueur et d'alcool me prend au nez. Voilà la senteur que je recherche ! La populace est déchaînée, la musique perce mes tympans et les basses font vibrer mon corps. Je suis rentrée sans problème, facile avec le minois d'une jolie dame. En extase, après avoir déposée mes affaires au vestiaire, je me fond dans la foule. Mes hanches commencent à danser toutes seules, ma tête se balance de gauche à droite et mes bras sont levés comme pour prêt à décrocher le ciel. Je ferme les yeux et je me laisse bercer par le fracas. Plus rien n'existe si ce n'est que moi et la musique. Et ce joli boule qui se trémousse devant moi.

Complètement enivrée par la madame en face de moi, je me rapproche d'elle pour danser comme une folle. Je peux sentir le parfum de la demoiselle titiller mes narines, ses longs cheveux recouvrent son corps sans cacher ses belles courbes. La cible parfaite. Complètement enivrée, je viens me frotter contre elle en effleurant doucement sa taille avec la paume de mes mains. Le rythme de ses hanches se coordonnent parfaitement avec les miennes. Au fur et à mesure du morceau, nos corps se rapprochent, mes mains n'hésitant pas à se balader sur son ventre. Une fois la chanson terminée, je décide de prendre les devants pour rencontrer cette jeune femme. Mes mains posées sur ses épaules, je la tourne vers moi, sourire jusqu'aux oreilles. Nous nous contemplons un moment avant un éclat de rire : il faut dire que ma danse est ridicule et d'avantage lorsque je suis ivre. L'atmosphère m'invite au dévergondage, c'est donc motivée par cette ambiance festive que j'aborde la jeune femme, les lèvres proches de son oreille elfique.

❝ On va boire un verre ma belle ? Je t'invite. ❞

Clairement, je ne suis pas comme d'habitude. Fini le ton ferme et le minois glacial, ce soir je revis mon adolescence avortée ! J'attrape délicatement la menotte de madame pour l'amener au comptoir. Je commande pour moi une Piña Colada tandis que mon invitée choisira ce qu'elle souhaite. Toujours aussi joviale, j'entame la discussion.

❝ Tu viens d'où ? J't'ai jamais vu dans le coin ! Même si moi non plus je ne passe jamais dans ce club, fufufu. ❞

Je trinque avec elle avant de picoler. Quel doux remède contre les mauvais souvenirs, l'alcool. La douceur sucrée de ma boisson trahit le degré d'alcoolémie, c'est fort plaisant. Je renchéris après deux trois gorgées :

❝ Tu t'appelles comment ? ❞

Je dois regarder ses yeux. Pas sa grosse paire de loche. Mince, c'est impossible. Ses lolos imposants m'envoûtent au plus au point, j'ai toujours aimé les femmes à forte poitrine. Les voilà sur le comptoir, en train de faire de l’œil au barman. Je suis jalouse. N'ayant plus le contrôle de moi-même, mon regard se dirige instantanément sur sa paire de seins, tandis que l'inconnue m'amène prendre un brin d'air. Je la suis aveuglément jusqu'à ce qu'une brise gelée m'aide à décuver. Nous sommes dehors, le moment idéal pour s'étouffer les poumons avec une cigarette. Heureusement, cela fait longtemps que je ne consomme plus de tabac, pour cela, j'ai ma vapoteuse de luxe dernier cri qui brille dans la nuit. Ses couleurs néons sont assortis à la boite de nuit, j'aime cette ambiance. Le brouhaha et la musique s'atténue légèrement, ce qui fait qu'il est plus facile pour moi de me concentrer sur la voix de la splendide inconnue. De plus, cela m'évitera de lui hurler dans l'oreille. D'ailleurs, la jeune femme ne semble pas humaine vu la force de son hélix.  

J'apprends que la jeune femme vit dans le quartier, chose improbable pour moi. Comment peut-on vivre dans un bordel pareil ? C'est inimaginable. Après si elle est heureuse là où elle est, c'est le principale. La créature n'est pas du genre à sortir ici, d'où le fait que je ne l'ai jamais croisé. Par ailleurs, c'est sa sœur qui l'a mené en boîte sauf qu'elles se sont toutes deux perdues de vue, comme très souvent dans ce genre d'endroits. La demoiselle rit aux éclats, je la rejoins en rigolant par politesse. Enfin, la jeune femme se présente, elle se nomme Nyliss et serait une métisse, mélange d'elfe et de succube. Je fais les gros yeux, étonnée et ébahie par son type. Sourire jusqu'aux oreilles, je lui réponds après quelques gorgées.

❝ Enchantée ! J'peux t'appeler Nylou ? Je trouve ça mignon, fufufu. ❞

Je pouffe de rire, comme à chaque fois que je suis ivre.

❝ Moi c'est Marina Heartwood ! Médecin phytothérapeute d'Osaka. ❞

J'en profite pour faire ma pub en lui donnant ma carte alors que je suis totalement dépensée.

❝ Et toi, tu fais quoi dans la vie ? ❞

Avant d'écouter sa réponse, je ne peux pas m'empêcher de la contempler avec admiration.

❝ Quelle jolie créature ..., lui dis-je en caressant doucement une de ses mèches de cheveux, je n'ai jamais vu d'hybride comme toi. Tu es l'incarnation de la beauté., je sais que j'en fais trop mais l'alcool m'empêche de réfléchir, moi je ne suis qu'une simple humaine mais je me considère plus comme une sorcière. Je n'ai quasiment jamais vécu avec les humains. ❞

Tandis que je rabats une de mes mèches derrière mon oreille, un homme vient nous bousculer pour nous demander une cigarette. Je lui montre ma vapoteuse haute gamme, l'air désolé.

❝ Désolée mon pote, on a pas ça nous. ❞

D'un coup, l'homme se met à me tourner le dos pour draguer ma nouvelle amie. Comment ose-t-il m'ignorer et m'exclure de la sorte ?! Le pouvoir de la grosse poitrine, c'est probablement ça. Je n'ai aucune chance face à elle. J’agrippe l'épaule du malotru, plantant mon regard carnassier dans le sien.

❝ Eh, bouge de là, elle est pas là pour t'parler. ❞

Mon aura se fait ténébreuse, mon air froid et strict l'intimide. L'homme n'insiste pas plus, me traitant de folle avant de partir. Face à Nyliss, mon visage se ravive et me voilà en train de lui proposer ma cigarette électronique.

❝ Tu veux tirer une taff ? C'est cassis-cactus. Tu vas voir, c'est très frais, très fruité. ❞

Je regarde autour de moi les silhouettes déchaînées. Trop fatiguée pour me remettre à danser, je souhaite vivre des aventures nocturnes comme j'aime tant faire. Ayant trouvée ma compagne de nuit, je lui propose de bouger ailleurs, voir s'il n'y a pas un autre endroit où l'on pourrait s'amuser.

La belle inconnue semble avoir du mal à comprendre mon métier. Il faut dire que son nom est peu commun et l'annoncer dans une boîte de nuit en étant éméché il y a de quoi ne rien capter. Je lâche un petit rire amusé, en écho avec le sien. Je vais m'abstenir de raconter ma fonction, je ne suis pas là pour ça, d'autant plus que nous passons vite à autre chose. J'apprends très vite que mon interlocutrice est masseuse spécialisée dans le massage érotique. J'acquiesce avec intérêt, envisageant déjà de prendre rendez-vous. Sauf qu'au moment où je m'apprête à lui répondre, je réalise à quel point le monde est petit :

❝ Les hommes aiment beaucoup l’autre partie du massage, surtout l’un de mes habituer, monsieur Yoshida. ❞

Alors que j'avale une gorgée de mon verre, je la recrache aussitôt. Zut, le liquide a prit le mauvais chemin, je suis en train de m'étouffer. Très vite, je me remets de mes émotions en gloussant de rire, toute amusée.

❝ Yoshida ? Hiro Yoshida, mon avocat ? Fufufu quel gros cochon celui-là ça ne m'étonne pas de lui ! C'est dingue comme le monde est petit. ❞

Je bois – cette fois-ci sans mourir – avant de renchérir.

❝ Eh bien, si les femmes ont le droit au même traitement de faveur, je serais ravie de faire un tour dans ton cabinet ma jolie. ❞

Vient ensuite le malotru qui tape l'incruste. Après l'avoir envoyé valdinguer, je fais rire la jeune fille avec qui je tchatche. Son gloussement est tout à fait charmant, faisant disparaître mon aigreur pour afficher un sourire détendu sur mes lèvres. Je lui fais goûter le parfum de ma cigarette électronique, convaincue que cela va lui plaire. Nyliss est surprise qu'un cactus puisse avoir du goût et à vrai dire, moi aussi. Je la rassure aussitôt.

❝ Je te jure que c'est possible ! Ça m'a étonné mais en fait c'est vachement bon. ❞

Effectivement, le liquide lui a plu. Je m'accoude à la rambarde sans quitter la jeune femme des yeux – sauf pour s'aventurer vers son décolleté opulent.

❝ J'l'ai acheté au bistrot de la vape, dans le quartier des richous ! Ils ont de supers liquides, de très bonne qualité. ❞

Mes yeux azurites se fixent sur la vape de Nyliss, touts curieux.

❝ Qu'est-ce que t'as dans ta cigarette pour que ça fasse partir ailleurs ? Tu sais, je suis ouverte à toute expérience. Maintenant que tu me l'as dis, je veux goûter ... ❞

Je fais une moue enfantine, désireuse de prendre quelques taffes de sa vapoteuse. Finalement, la demoiselle renchérit avec une demande qui me ravie au plus au point, me proposant de faire un tour loin de cette boîte à partouze. À vrai dire, j'ai pensé à la même chose qu'elle. L'odeur répugnante des corps moites qui s'entremêlent, le brouhaha des gens bourrés et la musique qui percent les tympans, j'en ai ma claque. Je valide son idée avant d'attraper son bras et l'emmener ailleurs.

Les rues sont animées d'une ambiance festive. Je titube joyeusement au côté de ma nouvelle amie, en direction d'un bar quelconque. Depuis combien de temps je n'ai pas fais ça ? Ivre et insouciante, avide de moments joyeux qui me font oublier les tracas du quotidien. Je me sens légère, je me sens redevenir jeune. Je retrouve la jeune fille que j'ai été, libre et enthousiaste. Je suis accro à ces moments-là, je me rattache à eux telle une tique sur le pelage d'un animal. Toujours accrochée au bras de ma compagne d'un soir, je lui propose plusieurs alternatives à notre soirée.

❝ Ça te dit, on va au quartier des richous et on s'incruste à une soirée ? On est pas trop mal sapé, on devrait pouvoir s'y introduire facilement ! Sinon, on peut passer dans le bar là-bas où acheter une bouteille de vin à l'échoppe là-bas et on va se poser dans un coin. Personnellement, je comptais faire ça en fin de soirée mais à toi de voir, je te laisse choisir. ❞

Je me dirige naturellement vers le quartier riche mais je reste toute ouïe aux préférences de Nyliss.